Entretien avec un lecteur

 Épisode 1 :  Un choix monacal !


    L’usage veut que l’on donne toujours une citation au début d’un article, cela fait plus chic. Seulement les trois quarts des citations postées sur le net sont des paraphrases ou elles sont attribuées aux mauvais auteurs ! Chatgpt, drôlerie moderne, dit même que le mieux c’est de tout vérifier dans les livres ! Or, comme je n’ai pas dans mes propres carnets de notes de phrases se rapportant au sujet de la Lecture, j’ai dû en inventer. Vous choisirez ce qui convient le mieux.

 _ Les livres sont les étoiles de l’univers ( : certaines brillent plus que d’autres ! ) 

_ Lire est un acte d’émancipation ( : il rend légèrement moins con si l’on n’est pas trop atteint...)

_ La lecture est un moyen d’évasion et d’élévation de l’âme ( : encore faut-il avoir les bonnes lunettes ! )

_ La lecture nous libère de la condition humaine et de son carcan quotidien ( : à part mon chien, je n’ai jamais vu un animal lire.)

_ Vivre sans livre, c’est ne pas mettre du sucre dans son cerveau


J-C : Bonjour Monsieur David Lazarillo, ça fait plus de dix ans que nous nous sommes rencontrés. Avez-vous publié quelque chose de nouveau ?

Moi : Malheureusement, je me suis perdu.

J-C : Je rappelle à vos internautes que le Lazarillo de Tormes, malgré les vicissitudes, a réussi lui. Dans une de vos nouvelles « Le sentiment, la tendresse et la mort » « vous aviez démontré que le rêve conduit à la folie. A l’époque, je trouvais déjà que vous yoyotez grandement du ciboulot !

David Lazarillo :_ Je vous rassure avec le temps ça s’est aggravé. La preuve, comme Victor Hugo lors de son exil à Jersey, je fais appel aux morts.   Vous connaissez mon fantasme ?

J-C :_ Je sais, devenir célèbre pour que je puisse vous interviewer ?!!  Ne croyez-vous pas que c’est un peu tard, et que j’ai d’autres chats à fouetter dans ma dimension.

D.L :_ Votre dimension ! Si c’est celle décrite par Philippe Bouvard dans Je suis mort, et alors ? , l’outre-tombe ne me semble pas très réjouissante pour un commun des mortels !!! Maintenant, plus rien ne presse de votre côté ! Vous pouvez faire vôtre la devise d’Alexandre le Bien heureux qui colle si bien à Philippe Noiret : « Faut prendre le temps de prendre son temps » puisqu’apparemment votre esprit est bien là et qu’il ne se décompose pas. Accordez-moi cette faveur, j’ai quand même pensé à vous. Vous avez toute l’éternité pour revoir vos amis d’antan, les copains d’alors, ceux de la fameuse photo prise par Jean-Pierre Leloir en 1969 immortalisant la réunion de Brel, Brassens et Ferré. En plus, vous avez tout à loisir de rencontrer La Boétie et Montaigne, Hugo et Lamartine ainsi que tous les Immortels trépassés : D’Ormesson, Yourcenar et Léopold Sédar Senghor.

J-C :  Vous me forcez la main, mais j’accepte de reprendre mon rôle d’intervieweur de personnalités. Vous avez commencé par un maitre incontesté de la littérature. Dernièrement, à quelle occasion avez-vous rencontré Victor Hugo ?

_ Il n’y a pas si longtemps que cela, à la mort de Badinter. 

J-C :  Drôle de coïncidence : vous ne faîtes pas les choses par hasard ! Si je suis votre logique, parce que je commence à vous connaître, c’est parce qu’ils étaient tous deux contre la peine de mort et que vous vous posiez des questions. Avez-vous été convaincu par Le dernier jour d’un condamné de Victor Hugo ?

D.L : Non, c’est à lire mais parfois un film est plus inspirant. Pensez à la fin tragique de Deux hommes dans la ville avec Gabin et Delon, la dernière scène veut tout dire. Au demeurant, Victor Hugo ne connaissait pas les crimes contre l’humanité ni le terrorisme, sauf peut-être ceux commis par les anarchistes…

_Donc vous n’aimez-pas Victor Hugo ?

D.L:_Loin s’en faut. Je n’aime pas les longueurs stylistiques, celles où l’on se perd. J’aime la fluidité d’un Céline comme dans Un voyage au bout de la nuit.    

_ Vous n’aimez donc pas Marcel Proust ?!

D.L : Quitte à faire dresser les cheveux sur la tête des littéraires consensuels ou des prétendus intellos dont certains n’ont même pas lu l’œuvre ! Proust, Du côté de chez Swann, même Le Rouge et le Noir de Stendhal, ces histoires d’amour à l’eau de rose, ça me rase ! Voyez, c’est comme le vin : j’aime la fluidité d’un Pessac Léognan, ça se boit facilement tandis que le Bergeracois c’est âpre, il y a toujours un arrière-gout de moisi, et le Minervois et le Beaujolais c’est lourd !

J-C :_ Etonnant que vous ne sachiez pas apprécier un château Pétrus millésimé ! Comme vous y allez, vous ne saisissez pas la poésie des œuvres ?

D.L: J’avoue, j’exagère un peu. Quand l’histoire m’intéresse, lorsque cela cogite un peu, je m’accroche. Peut-être que je suis victime de mon époque : l’action rapide, le déjà tout cuit qui nuit à la concentration, à la réflexion, à identifier les allusions d’un texte qui doit parfois être lié au monde contemporain de l’œuvre ou à l’auteur. 

J-C : Vous pensez à qui ?

_ A Marc Bloch avec son Etrange défaite. Mais aussi à Malraux avec sa Condition Humaine ou encore l’Espoir.

_ Ce sont quand même de grandes œuvres !

D.L : Indéniablement ! C’est autant un devoir de les lire que de connaître leurs auteurs : l’un ministre de la culture, l’autre grand médiéviste.

_ Et qu’est ce qui vous a donné envie de lire Malraux ?

D.L : L’hommage à Jean Moulin lors du transfert de ses cendres au Panthéon : « (…) Entre ici Jean Moulin avec ton terrible cortège. » Quelle voix ! Quelle oraison funèbre ! Même le chef de l’armée des ombres pouvait l’entendre depuis le royaume d’Hadès. Ah ce n’est sûrement pas la voix mielleuse et hypocrite de Louis Ferdinand Destouches alias Céline : « (…) Tous les autres sont coupables pas moi »

J’en veux beaucoup à Onfray et à Pascal Praud de leur logorrhée primaire sur « les gauchistes » mis au même rang que les fascistes sous prétexte qu’il n’y avait pas de résistant avant le pacte de non-agression soviétique. C’est oublier Jean Moulin, Marc Bloch, les mineurs et les chemineaux du Nord (Hennin Beaumont) qui ont sacrifié leur vie. Lorsque je pense à Jean Moulin, cela m’évoque le film de L’armée des ombres de Pierre Melleville tiré du roman éponyme de Kessel : avant que Lino Ventura court et se fasse mitrailler dans le tunnel, c’est cette musique qui retentit. Il y aurait beaucoup à dire sur cette chaine qui se fait le relai d’une France catholique et défenseur de la laïcité, une aporie ! Je rappelle qu’une journaliste (nous éviterons l’attaque ad hominem) a osé dire que quand la France était catholique, il n’y avait pas de crime. Elle oublie la Saint Barthélémy, les albigeois, le massacre des templiers et des juifs, les horreurs commises par les croisés… Donc, si je paraphrase un livre incontournable de la pensée critique en l’occurrence de Par-delà le bien le mal de Nietzsche :  Vive la Lecture, car si la vérité était femme, on ne ferait que l’effleurer…  

J-C : Si je comprends, vous considérez la lecture comme un bien souverain. Comme Didier Eribon, le spécialiste de Michel de Foucault. Selon vous, Le livre est le support indispensable pour penser contre soi-même et aiguiser son propre esprit critique.

David Lazarillo :_ C’est même plus que ça. C’est un support de la langue. Quoique j’ai pu laisser penser ; le livre permet de mieux nous exprimer. Et c’est aussi le support des connaissances.  Vous l’avez-vous-même déjà très bien résumé. C’est l’outil d’émancipation par excellence. J’ai toujours dit que l’écriture et la lecture sont indissociables. Dire dans une chanson récente destinée aux jeunes : « j’ai pas le temps de lire... », on frise l'ignardise. Je suis, à la différence de Jules Ferry, contre l’usage de chatgpt pour les devoirs, des écrans à l’école. Ils doivent être au moins interdits jusqu’au baccalauréat pour que les jeunes aient une base solide par le livre et ensuite consulter la machine. A la différence de l’ancien ministre philosophe de droite, je pense que l’économie et le numérique doivent être au service de l’homme et dans le cas contraire nous signons la fin de notre humanité.

J-C : Vous êtes un réactionnaire de gauche !

D.L :_ Je ne suis pas dogmatique non plus. Peut-être que j’ai tort, peut être que l’un n’empêche pas l’autre. J’avoue ne pas être très optimiste quant à l’avenir. Donc en tant que dernier des Mohicans : Je pourrais me passer de beaucoup de biens matériels ; mais je serais sans doute le plus malheureux des hommes, si je ne pouvais plus penser ni lire !

J-C : en attendant la poursuite de notre entretien, je vous passe la fameuse musique du générique Des dossiers de l’écran d’Eric Demarsan


https://www.youtube.com/watch?v=lLoOL8B33KU

https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19553134&cfilm=4248.html


  


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