D’abord sachez que je n’ai pas la prétention de parler
ex-cathedra, je vous donne là qu’une « perspective de vérité » en
l’occurrence la mienne. Hélas, je n’ai pas le talent de La Fontaine qui avec
ses fables pointait du doigt les travers de son temps en s’attaquant notamment aux
puissants. Il se peut que ce blog
disparaisse un jour, car il est préférable de fabriquer du crétin (cf livre
éponyme de Brighelli ) que des Virgile. Pourquoi Virgile, parce que le poète
disait : « Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des
choses ». Ainsi je développerai trois points : la fabrique d’un leitmotiv,
l’anéantissement des dimensions de l’Homme et les manifestations de l’Etre.
La fabrique d’un leitmotiv
(ou l’instrumentalisation) ?

Remarquez que dans les pubs on entend systématiquement "soyez-vous-même", dans le coaching, dans le développement personnel, cela
devient même un argument de vente. Grâce à l’achat de ma belle voiture
électrique, grâce à mes conseils vous serez heureux ! Ah si les choses
étaient si simples ! Posez-vous alors la question : comment une idée au
demeurant triviale devient une idée de masse voire une idée de la pensée
unique. Des historiens, des sociologues se sont posés ces questions. Prenez
l’historienne Maza de Princeton qui s’est penchée sur les idées
révolutionnaires (c’est l’objet de sa thèse). Elle constate qu’elles viennent
d’en haut, des élites, et qu’elles se diffusent par l’intermédiaire de
« petites élites » de province (les anciens parlements) jusqu’au
peuple. Maintenant, allons plus loin avec le sociologue Norbert Elias qui a
travaillé sur le Grand-Siècle (Louis XIV). Louis XIV, grâce notamment à
l’étiquette, a réussi à faire développer le mythe du Gentilhomme. Ce concept s’est
diffusé à travers toute la société. Ainsi, si l’on ne savait pas se tenir selon
les us et coutumes de Versailles, on était un rustre. Cette idée est bien
apparue au cœur du pouvoir : elle consistait à avoir de bonnes manières, à
ne pas perdre son sang-froid, à avoir une certaine culture. Si l’on ne savait
pas se comporter en gentilhomme, on ne pouvait pas approcher le roi. De la même
manière, si un courtisan dérogeait à cette idée, il était renvoyé dans ses
pénates. Même si le roi exerçait son autorité de plus en plus directement sur
ses sujets (cf art repères historiques), il avait besoin de canaliser ses
élites pour asseoir son pouvoir… Donc, une idée simple comme l’égalité entre
les hommes, savoir se comporter en gentilhomme, être soi-même a bien une
origine. Laquelle ? Alors dites-moi comment et par qui est apparue cette
idée ?
L’anéantissement des dimensions de l’Homme.

Si l’on se base sur le fonctionnement du cerveau et
accessoirement sur Nietzsche. Est-ce que nous fonctionnons réellement comme un
tout cohérent qui nous permet de dire je suis Moi-même ? Ne serait-il pas
préférable de dire en parlant de soi : il pense au lieu que Je pense. On a
des besoins qui correspondent à des aires cérébrales différentes : comment
tout ça se coordonne ? Quand tout se coordonne dans une action que l’on
voit, on appelle ça la responsabilité. Donc, cette responsabilité dépend bien
du rapport que j’ai avec les autres. En étant soi-même, nous nous réduisons au
seul état d’égo ‘dans ce qu’il y a de plus négatif ». Nous avons plusieurs
dimensions dont le spirituel, le social et le physique (cf Virginia Enderson).
On ne peut réduire l’homme qu’à ses seuls besoins de l’égo cela voudrait dire
que l’on perdrait notre dimension sociale et en partie spirituelle ? A
l’intérieur même de ces dimensions, nous avons en quelque sorte une
sous-dimension celle du politique. Que nous le voulions ou non, tous à notre
échelle, nous participons à la vie de la société. Autrement dit, si être
soi-même consiste à faire ce qui nous plait sans tenir compte de l’autre nous
nous réduisons à nos seuls besoins et subséquemment avec ce que j’ai expliqué
plus haut à des moutons de panurge…
La manifestation de l’être ou l’être comme
représentation ?

On en revient à Norbert Elias qui voyait dans Versailles une
société de représentation. En effet, les courtisans, le roi lui-même se
donnaient en spectacle. En fait, cela n’a jamais changé. Hier comme aujourd’hui,
nous nous donnons systématiquement en spectacle selon les situations : je
me comporte selon ce qu’attend l’autre et selon ce que l’autre renvoie de
l’image de moi-même. Il est évident que si je suis à la fois footballer,
musicien et de profession médecin ou enseignant, je n’aurais pas qu’une seule
identité dont chacune d’entre-elles m’imposerait une manifestation de l’être
particulière selon les circonstances. On est donc jamais soi-même sinon on
serait un fou, mais là nous devenons tous fous. Imaginez que vous vous habillez
comme Coluche lors des élections présidentielles parce que vous vous sentez-vous-même
et que vous avez un rendez-vous devant le juge pour la garde de vos enfants, ne
croyez-vous pas que vous seriez envoyé illico presto à Saint-Anne ?
L’idée soi-disant révolutionnaire de "soi toi-même" est juste
le reflet d’un individualisme sordide, d’un appauvrissement de l’Etre. Cette
idée est tellement ancrée dans les esprits qu’une personne se revendiquant
être soi-même est d’un total conformisme, c’est affligeant. L’autre est
désormais vu comme un ennemi qui m’empêche de faire ce qu’il me plait. Quid de
l’altérité, du dialogue, du vivre ensemble. Il ne faut pas s’étonner alors que
la société se fragmente….
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